Il est venu le temps des cathédrales, des mouchoirs humides au fond des poches, et des gouttes au nez. Les faibles partent dans un dernier soupir quand d’autres poussent leur premier cri.
Au départ, mon père, qui me regarde de bas en haut. J’aurais dû mettre mon costume de croque mort apparemment.
Passer l’Isère, voir les Trois Becs puis le Ventoux. Déjà les cyprès au garde à vous le long des arbres fruitiers et de la D900. Le soleil se couche à 16h30, les arbres sont nus, le ciel vide et le sol froid.
Je suis apte, pas encore digne.
Les platanes de la grande rue de Céreste à la nuit tombée et la terre meuble des champs de narcisses dans les phares de la voiture. Arrivé à l’hôtel, le temps dure longtemps. Je dors peu.
8h23, la citadelle prend feu, ma tante relit les textes avec mon père et organise le déroulé des cérémonies. Mon cousin gratte son pare-brise, et déjà nous partons pour l’église.
09h40, je suis rentré dans l’église, je n’y ai vu personne. C’est pas top d’arriver en avance en même temps. Direction le bistrot du coin pour un blanc sec.
10h00 sonne les matines, au pied des marches les gens ont tous le même nez. Là, une Coralie inattendue. Je dis naïvement à mon oncle “bonjour, comment ça va ?”. Il enterre son frère. Mon grand père. Ce petit bonhomme voûté.
Un gars avec une cape violette suivit de deux éphèbes en peignoirs immaculés arrivent et nous invitent à rentrer.
Je me place au premier rang, les rayons du soleil entrant par un vitrail à l’Est viennent caresser ma joue droite, faire briller mes larmes. Mon grand père est là, il est en haut. On met du respect sur son nom.
Les trois mousquetaires déroulent une routine religieuse inaudible à base de ‘mort’, ‘passion’, ‘résurrection’, ‘pardon’… Super cureton se fend d’un bon petit discours créationniste et le voilà qui nous enfume cette fois avec son encensoir avant de se lancer dans une chorégraphie reprise par l’auditoire : en haut, en bas, à gauche, à droite.
Les gens chantent faux, galèrent sur le ‘Notre Père’ et pour finir se font racketter par une vieille en écharpe blanche. Requiem aeternam dona eis.
On sort de l’église et on se fait une rando jusqu’au cimetière. Le corbillard nous précède, sur la vitre arrière : funexia, le respect.
Arrivé à la concession, mon père (le mien, pas celui avec la cape), reçoit un coup de téléphone de ma frangine absente. Toujours une bonne raison celle là : elle vient d’accoucher d’un 4eme, sobrement appelé Gabriel. Pour la dramaturgie on est bon dans la famille.
On touche du bois, se jette des fleurs et on enterre l’affaire.
Rando le retour. Direction la maison familiale pour un petit frichti. Pastis à la santé du défunt, petits fours (les trucs qu’on mange) sur petits fours (les blagues qu’on rate). Clin d’œil à la Coralie, véto, elle doit si connaître en levrette.
En fin d’après-midi nous retournons au cimetière, mon père et ma tante se mettent en mode M6 déco avec les compositions florales de mauvais goût offertes par les tires-aux-flancs.
Nous reprenons la route en sens inverse. Il est 16h30, le soleil se couche, les arbres sont nus, le ciel vide et le sol froid, mais à contre jour ça a vachement plus de gueule.